• Après avoir consciencieusement étudié la philosophie de Descartes, Spinoza entreprit d’écrire un Traité de la réforme de l’entendement, destiné à répondre et à corriger certains principes de Descartes. Ecrit très tôt, ce traité est resté inachevé. Jugeant «toutes les occurrences les plus fréquentes de la vie ordinaire vaines et futiles », Spinoza chercha à déterminer une méthode d’acquisition des connaissances incontestable, en vue d’acquérir un bien fondamental et d’instituer une vie nouvelle.

    Pour ce faire, il se fixa quelques règles : s’exprimer dans un langage clair, compréhensible par tous ; s’écarter des jouissances inutiles et de la richesse. Puis il exposa les différents moyens de connaissance à sa disposition. Ceux-ci se limitent à quatre :

    la  - perception acquise par ouï-dire ;

    la  - perception acquise par expérience vague ;

    la  - perception déduite d’une autre chose, mais non adéquatement ;

    en - enfin, la « perception dans laquelle une chose est perçue par sa seule essence ou par la connaissance de sa cause prochaine. »

    Spinoza en conclut logiquement que seul le quatrième mode de connaissance permet d’acquérir une connaissance adéquate. Les deux premiers sont clairement insatisfaisants, alors que le troisième « nous donne l’idée d’une chose et aussi nous permet de conclure sans danger d’erreur », sans toutefois atteindre la perfection.

    Spinoza cherche ensuite par quel moyen nous pouvons parvenir au quatrième mode de connaissance. Après avoir éliminé les méthodes inadéquates, trop lourdes et besogneuses, il expose avec une rigueur exemplaire la méthode à adopter pour parvenir à « l’idée vraie, chose distincte de ce dont elle est l’idée : autre est le cercle, autre l’idée du cercle. » Il s’agît de la méthode réflexive, qui revient inlassablement sur la pensée pour la critiquer et la redresser.

    Il est clair, à lire les développements de Spinoza, que l’élaboration de cette méthode constituait un enjeu majeur pour lui. Nous ne pouvons d’ailleurs manquer d’être impressionné par la rigueur de ses déductions. Le point central consiste à dégager l’Idée vraie des autres perceptions, et d’empêcher les confusions. Il propose à cet égard de suivre ses recommandations, toutes très subtiles.

    Il évoque, in fine, le rôle de la mémoire et de l’oubli dans la construction et la conservation de la connaissance. Ce traité, pour le lecteur peu versé dans la lecture philosophique, peut paraître quelque peu ardu. Néanmoins, un effort d’attention le rend compréhensible à chacun, Spinoza respectant la règle qu’il s’est fixée d’être accessible « au vulgaire ».

     

    Il est clair que cette méthode de connaissance, bien qu’incomplète, Spinoza ayant sans doute buté sur quelques difficultés et ayant entrepris d’autres travaux, en particulier la rédaction du Traité théologico-politique, apparaît comme une critique de la méthode de Descartes. Tel qu’il est, après le Court traité, ce traité inachevé reste une bonne ouverture à l’œuvre de Spinoza. 

     

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  • Le narrateur se présente avec complaisance. Il écrit un récit centré sur sa personne et admet bientôt appartenir à la catégorie des bavards. Après cet aveu, il se lance dans l’exposition d’un incident assez sordide, dont il fut l’un des principaux protagonistes, dans un bar de marins où il aurait disputé les faveurs d’une jeune femme à l’homme avec qui elle dansait précédemment.

    Tout imbu de son succès, il décrit les charmes de sa nouvelle conquête, en marquant l’opposition avec le caractère grossier de son adversaire qui, manifestement, ne pouvait plaire à cette femme si charmante. La soirée se prolonge dans le soliloque de l’individu. Tout ce récit est profondément déplaisant et rien ne permet de savoir où le bavard veut en venir.

    Les aveux de rebuffade finale de la belle et de rixe à l’extérieur du bar avec l’autre homme paraissent aussi incertains que le début supposé de l’idylle, tout en devant marquer le terme de l’histoire. Mais à ce moment, l’homme poursuit son discours en se livrant à une confession de son obsession à tenir la parole, quelles que soient les inventions qu’il puisse proférer.

    Le lecteur comprend que l’individu est prêt à raconter n’importe quoi, pour se contredire aussitôt et nier la réalité des faits qu’il vient d’énoncer. L’important pour lui est de continuer à discourir en longues phrases qui n’appellent aucun commentaire et ne sont destinées qu’à assouvir son besoin.

    Tout ce discours, remarquablement mené d’un bout à l’autre, remplit le lecteur d’un malaise à se sentir un voyeur. La parole, d’ailleurs parfaitement maîtrisée, du bavard l’agresse comme s’il était réellement auditeur du discours de cet homme, qui susciterait mépris et dérision si l’on assistait aux scènes qu’il décrit.

     

    Ainsi le langage apparaît-il dans cet ouvrage comme le véhicule d’une forme de psychose complètement destructrice.

     

     

     

     

    A lire également : Louis-René des Forêts

     

     

     

     

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  • Le séducteur de Kierkegaard est un individu méthodique. Il ne laisse rien au hasard et se prépare toujours à toutes les situations en vue d’un but prédéterminé.

    Ayant réussi à faire connaissance avec la jeune Cordélia, il entreprend de la séduire en analysant constamment le contexte et les actes. Très attaché au développement de la féminité de sa cible, il utilise les moyens les plus détournés pour parvenir à ses fins.

    Prétendant aider un concurrent moins avisé à nouer une relation avec Cordélia, il organise toute sa stratégie de façon à la conduire à l’échec, inexorablement, tout en affichant sa complaisance au service de son obligé. Comme un militaire en campagne, il cherche à tromper sa victime et ses adversaires, et il y parvient remarquablement.

    Néanmoins, au fil de son entreprise de séduction, nous sommes amenés à nous demander quel est le but de son activité, car au fond de lui-même, il semble plutôt détaché du projet qu’il a énoncé. A aucun moment il ne semble vouloir nouer une relation équilibrée avec Cordélia. Son habileté lui permet de la séduire temporairement, mais il semble aussitôt se détourner de celle qui a concentré toute son attention durant la phase de conquête. Après avoir longtemps insisté sur le développement de l’érotisme des situations, il détend formellement les liens, se montre froid à l’égard de Cordélia devenue sa fiancée, tout en expliquant dans son journal toutes les étapes à franchir avant d’atteindre son but.

    Nous sommes donc conduits à nous interroger si le philosophe danois, précurseur de l’existentialisme, n’a pas pour but d’exposer un cas pathologique de séducteur frappé par son impuissance sexuelle. Penseur avisé, organisateur retors, celui-ci paraît accablé lorsque le but ultime de la relation amoureuse se présente.

     

    Il effectue alors des manœuvres tout aussi tortueuses pour briser les liens difficilement noués, de façon à pouvoir relancer la séduction sur un autre front, sans guère se préoccuper de la souffrance qu’il inflige ainsi à sa victime. Le séducteur réalise donc, aux dépens d'autrui, sa subjectivité propre, selon les préceptes de la philosophie de son auteur.

    Dans cette optique, tout cet ouvrage peut alors être considéré comme une vivante illustration des principes philosophiques du penseur Kierkegaard.

     

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