• Lord Jim est un roman qui met en scène la responsabilité, le manquement aux obligations, le sentiment de culpabilité et le rachat.

     

    Chacun sait que sur un bateau, en cas de catastrophe, le dernier à quitter le navire est le capitaine. Cette assertion semble aller de soi : le capitaine dirige la navigation, commande tout l’équipage et doit veiller à la sécurité des passagers et de l’équipage. En cas de difficulté, il doit donc rechercher tous les moyens d’éviter les avaries et le naufrage, et fournir tous les efforts possibles pour sauver la totalité des passagers, sans se préoccuper de son propre sort avant d’avoir réglé l’ensemble de ses obligations.

    Après être passé par l’école de marine, le jeune Jim navigua : « il connut la monotonie envoûtante de l’existence entre ciel et mer ».

    Un jour, après avoir déjà subi quelques désagréments au cours de ses différentes traversées, il « prit un embarquement à bord du Patna », vieux vapeur en mauvais état commandé par un Allemand, en qualité de second.

    Huit cents pèlerins embarquèrent sur le Patna et se répandirent dans les moindres recoins du bateau, rapidement repeint pour la traversée. Le vapeur partit vers la mer Rouge. Les relations entre le capitaine et son équipage étaient acerbes, les hommes étant soumis à un régime très strict.

    Au cours de la traversée, le bateau heurta une épave qui perça la coque. Dans une grande confusion, l’inquiétude de l’équipage s’accrut. Le capitaine, au mépris de tous ses devoirs, chercha à sauver sa peau en abandonnant les passagers et la majorité de l’équipage. Un canot fut mis à la mer. Jim était hostile aux décisions du capitaine mais, dans un moment d’effarement, il commit l’irréparable en sautant dans le canot.

    Contre toute attente, le bateau ne coula pas et gagna un port, tracté par un vaisseau militaire. Un tribunal jugea les membres de l’équipage défaillants.

    Un témoin extérieur, le capitaine Marlowe, qui assistait au procès, narre toute l’aventure : la condamnation de Jim, parmi les coupables d’abandon du navire, ses tentatives de reclassement, sa honte, son exil dans un îlot perdu de l’archipel malais, sa prise de responsabilité dans les affaires du pays.

    A travers ce récit très dur, minutieusement conté, Joseph Conrad fait prendre conscience au lecteur d’une véritable éthique de la responsabilité tout en montrant que l’important pour un homme est de savoir rester droit, même sans aucune certitude de succès dans son action.

    Le quotidien des marins, que Conrad était mieux placé que quiconque pour en exposer les rigueurs, n’est qu’un moyen d’exposer une situation en apparence inextricable et d’en déduire toutes les conséquences.

    Derrière l’atmosphère de la marine surgit l’exotisme de l’extrême orient avec sa culture spécifique, qui sert de contrepoint à l’enfermement du bateau, tout en démontrant que les questions humaines les plus difficiles à régler se reproduisent, quel que soit le milieu où elles apparaissent.

     


     

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  • Yukio Mishima compose l’un des plus beaux portraits de frustré de toute la littérature. Le narrateur du Pavillon d’Or, Mizoguchi, est le fils d’un prêtre bouddhiste. Alors qu’il était très jeune, son père commença à lui parler du Pavillon d’Or, l’un des principaux chefs d’œuvre de l’architecture religieuse japonaise, sis à Kyoto, et l’enfant, devenu adolescent, en conserva une vision éblouie.

    Ce qui perturba très tôt Mizoguchi, c’est le bégaiement qui l’affligeait. Au collège déjà, ses camarades se moquaient de lui à cause de ce défaut d’élocution. Il ressentait cette infirmité, pourtant relativement mineure, comme un obstacle entre lui et le monde extérieur.

    En réaction à ce complexe, Mizoguchi développa une volonté de puissance qui reposait d’une part sur l’histoire des tyrans et d’autre part sur l’activité des artistes de génie. Il se construisit donc un imaginaire destiné à compenser les déficiences de son élocution, qu’il ressentait comme une tare rédhibitoire.

    Tout en se destinant à devenir prêtre, à l’exemple de son père, à l’aube de son adolescence, il tomba amoureux d’une jeune voisine nommée Uiko. Provoquant une rencontre plutôt brutale avec celle-ci, il se retrouva complètement effaré lorsque Uiko apparût et il ne put lui adresser une parole. Par la suite, ses relations avec les femmes furent toujours marquées par de fortes inhibitions.

    Entré au temple Rokuonji, dont dépendait le Pavillon d’Or, sous la protection du Prieur, ami de son père, Mizugoshi put s’adonner à son admiration sans partage du célèbre Pavillon. Comme le début de l’action du roman coïncide avec les derniers mois de la Deuxième Guerre Mondiale, le risque de bombardement et de destruction des trésors de Kyoto était particulièrement redouté.

    Au temple, la formation suivie par Mizugoshi contribua à renforcer sa tendance au rêve. La rencontre de camarades l’éloigna momentanément de ses complexes mais les compensations qu’il pouvait y trouver pouvaient le pousser à des actes répréhensibles, qui finirent par rebuter les camarades et les enseignants les mieux intentionnés.

    En dépit d’une progression inéluctable vers une catastrophe, ce roman nous fait pénétrer dans la culture et l’imaginaire japonais de façon à la fois brutale et subtile, avec une intensité qui se maintient jusqu’à sa conclusion.

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