• Dans le Planétarium, Nathalie Sarraute traite des relations entre les personnes comme s’il s’agissait de corps physiques, telles des planètes ou des particules qui s’attirent et se repoussent selon les lois de la nature. La dynamique des corps s’applique selon des lois physiques depuis longtemps établies, que ce soit dans le cosmos ou dans l’infiniment petit. Les relations interpersonnelles peuvent en effet s’apparenter  à ce type de mouvements.

    Un jeune couple, lui thésard un peu dilettante, elle jeune femme attirée par les feux d’une petite bourgeoisie éclairée, dans le Paris des années 1950. Une tante trop bien logée dans un appartement de cinq pièces des beaux quartiers de Paris, pour un loyer plus que raisonnable, alors que les jeunes mariés sont resserrés dans un petit deux pièces. Une romancière à la mode qui brille autant que les plus grosses étoiles.

    Tous ces éléments, savamment présentés, servent de prétexte à l’exposition des mouvements browniens auxquels s’adonnent les différents protagonistes en vue de s’attirer les bonnes grâces de ceux qu’ils désirent approcher, ou de refouler les fâcheux.

    L’entrecroisement de ces différentes trajectoires fait naître quelques débuts d’intrigue piquants, dont la poursuite oblige chacun à évaluer et réviser le volume physique à travers lequel il peut se mouvoir dans l’espace infini de la sphère sociale.

    La finesse de l’analyse, l’originalité du point de vue et la grâce de l’écriture confèrent à ce roman un charme durable que l’on ne rencontre pas si souvent, même dans la galaxie du Nouveau roman.

    Partager via Gmail

    votre commentaire
  • Dans Armance, Stendhal décrit le parfait héros romantique en la personne d’Octave de Malivert. Ténébreux à souhait, tout juste sorti de l’Ecole Polytechnique, presque certain de toucher une fortune au titre des réparations votées par la Chambre monarchiste en compensation des spoliations de la Révolution, Octave est aimé de sa cousine, Armance de Zohiloff, pure jeune fille d’origine russe, trop réservée pour exprimer ses sentiments à ce cousin par trop fantasque. Stendhal, dans ce tout premier roman qu’il écrivit, est assez habile pour montrer l’évolution des sentiments réciproques des deux jeunes gens, mais, en même temps, il laisse entendre à mots couverts que son héros est affligé d’une déficience qui rendrait le mariage problématique.

    Au fur et à mesure que le lecteur prend connaissance du mal d’Octave, il saisit mieux la conduite incohérente de ce grand incompris, parmi la famille et les relations de ses parents. Ainsi, au travers de scènes parfois excessives, mais bien amenées par l’auteur, le lecteur se rend compte de l’impossibilité pour les deux amoureux d’aboutir à une solution satisfa isante.

    Au-delà du cas des deux amoureux, l’évocation de la noblesse volontiers revancharde et peu consciente de la faiblesse relative de sa position, crée un arrière-plan historique tout à fait intéressant à ce sombre roman des amours impossibles.

    Il lui faut naturellement une fin conforme au schéma général de l’œuvre et le jeune Stendhal, dans son style déjà très fluide, parvient à l’amener d’une façon relativement attendue, avec beaucoup d’élégance.

     

     

     

    Autres articles consacrés à Stendhal :

     


    Vie de Henry Brulard – Stendhal

     

    Lamiel – Stendhal

     

     

    Partager via Gmail

    votre commentaire
  • Le 3 juin 1835, le jeune Pierre Rivière, âgé de vingt ans, accomplit le triple meurtre mentionné dans le titre, à Aunay, un village du Calvados.

    En 1973, une équipe de chercheurs du Collège de France a constitué un dossier sur cette affaire emblématique, sous l’impulsion de Michel Foucault. La pièce maîtresse de ce dossier est le mémoire rédigé par Pierre Rivière lui-même, en prison, pour tenter d’expliquer son acte. Ce mémoire est écrit dans une très belle langue, même si l’orthographe est incertaine, et il rend compte de façon méticuleuse de la vie de la famille Rivière. Le lecteur pénètre très aisément dans les rapports de cette famille paysanne, dont la mère abuse de façon insupportable de la patience et de la gentillesse de son mari, refusant de vivre au domicile conjugal et le forçant à payer toutes les dettes qu’elle laisse derrière elle.

    Le jeune Pierre vouait un amour filial indéfectible à son père et il avoua que c’était pour délivrer celui-ci de l’emprise de cette femme impossible, qui lui gâchait toute sa vie, qu’il s’était résolu à ce triple meurtre.

    Outre les tensions de la société rurale française au début de la révolution industrielle, cette affaire illustre très bien la profonde évolution qu’a subie la procédure judiciaire au cours de ces années du XIXème siècle, tiraillée entre la volonté des magistrats de châtier les coupables et la prétention des psychiatres à démontrer l’aliénation de nombreux assassins, voulant leur épargner ainsi la peine capitale.

    Il faut lire le mémoire de Pierre Rivière très attentivement et le mettre en parallèle avec le dossier constitué par les rapports des experts, les pièces du procès et les articles parus dans la presse à l’époque de l’affaire.

    Une telle affaire, qui date de près de 180 ans, nous aide à mettre en perspective les soubresauts que la justice peut encore connaître de nos jours, dans l’incertaine évaluation des circonstances atténuantes et dans l’appréciation ambiguë des preuves que peut émettre un jury d’assises.

    Elle met en lumière aussi le laxisme que peut exercer la police dans la recherche d’un coupable qui, en l’occurrence, ne niait rien et ne se cachait même pas.

    Les analyses croisées des différents participants à l’élaboration de ce dossier enrichissent la perception du lecteur, sans atténuer l’importance majeure du mémoire du principal protagoniste de l’affaire, celui que ses voisins prenaient pour un idiot.

     

     

     

    A lire également :

     

    Surveiller et punir - Michel Foucault

     

     

     

     

     

    Partager via Gmail

    votre commentaire
  • Emily Brontë a composé, avec les Hauts de Hurlevent, l’un des romans les plus emblématiques de son siècle en Grande Bretagne. Depuis ma première lecture à l’adolescence, ce roman continue de me hanter, avec son atmosphère pesante, qu’il s’agisse du climat inhospitalier des hautes terres du Yorkshire où se déroule son action, ou de la tension extrême que génèrent et subissent ses personnages aux caractères abrupts.

    La bonté décomplexée de Mr. Earnshaw qui recueillit le jeune Heathcliff, orphelin sombre comme un Bohémien, associée à l’ouverture d’esprit de sa fille Catherine, qui sympathisa immédiatement avec l’enfant abandonné et en fit son compagnon de jeux et de promenades, permirent à celui-ci de prendre goût à la vie et de se développer.

    Dans ce milieu protecteur, le garçon sans racines s’éduqua  et s’ouvrit à une vie enrichissante, malgré la dureté des conditions d’existence et, à l’adolescence, les sentiments des deux jeunes gens se renforcèrent, jusqu’à ce que Catherine éprouvât une grande admiration pour son cousin Edgar Linton, aux manières raffinées et à la grande culture, suscitant l’incompréhension de Heathcliff qui ne put réagir qu’en se durcissant pour préparer une vengeance impitoyable. Tout dans ce roman est extrême : le climat naturellement, l’opposition entre l’amour et la haine, la sauvagerie côtoyant l’éducation, la rudesse de la demeure des Earnshaw aux Hauts de Hurlevent située au sommet de la colline, en contraste avec le charme de Thrusscross Grange dans la vallée, où habitaient les Linton.

    Dans ce monde, l’éducation même est un enjeu et une source de conflits. Le laisser aller dans lequel restent confinés les déshérités, comme le jeune Heathcliff ou le rejeton Hareton Earnshaw dans leur enfance, constitue un puissant motif de rébellion qui permet de nouer l’intrigue.

    Le mode d’exposition du roman lui-même, avec le croisement de ses différents narrateurs, qui se complètent et fournissent des informations sous des angles divers, contribue à la complexité de l’intrigue et oblige le lecteur à une attention soutenue.

    Avec une grande maîtrise, la romancière, dont tous les commentateurs soulignent le manque d’expérience qu’elle a subi au cours de sa vie, à travers des tensions particulièrement fortes, conduit son ouvrage à son terme dramatique, inexorablement. Le lecteur ressent nécessairement au fil de sa lecture le poids de la fatalité.

    Il serait absurde de souligner certaines invraisemblances dans un tel livre : tout comme les tragédies de Shakespeare ou les romans de Dostoïevski, c’est le drame dans toute sa noirceur que ce livre offre à ses lecteurs.

    Partager via Gmail

    votre commentaire
  • Notre dernière journée de route nous fit repasser à Seligman sur la route 66, avant de monter au nord vers le lac Mead formé par la retenue du grand barrage Hoover sur le fleuve Colorado. Il s’agit d’un bel ouvrage de 580 mètres de longueur en arc de cercle, que nous avons traversé à pied.

    Puis nous sommes repartis vers Las Vegas, la capitale des jeux, que nous avons commencé à explorer dans l’après-midi. Par certains côtés, c’est le comble de la vulgarité, avec les jeunes filles déshabillées en policières vêtues seulement d'une casquette, d'un soutien-gorge, d'un mini short et de bottes, qui attirent les messieurs pour poser en leur compagnie moyennant finance, et leurs homologues masculins de couleur. Il y a aussi les annonces au haut parleur pour on ne sait quelle distraction.

    L’une des curiosités de Las Vegas est de montrer à ses visiteurs toute une série de copies de monuments célèbres du monde entier : Grand canal de Venise avec le Pont des Soupirs, Tour Eiffel miniature et assez médiocre façade de l’Opéra de Paris, Sphinx égyptien…

    Il vaut mieux revenir dans le centre de la ville de nuit, alors que les éclairages magnifient les jeux d’eau sur le bassin aménagé devant la façade de l’hôtel Bellagio, dont l’entrée donne sur une magnifique galerie de style florentin, et que les néons de toutes les couleurs contribuent à la féérie recherchée.P1040007

    Le lendemain, après cette débauche de paillettes, de musique pompeuse, de jeux et de bruit, nous nous en sommes retournés vers Los Angeles, en faisant un arrêt à Calico,

    ville fantôme, ancienne cité minière où d’anciens détenus exploitaient les mines d’argent. Nous y fûmes accueillis par le sherif, habillé en cow-boy, comme dans les films, avec son pistolet à la hanche et son étoile sur la poitrine. Les petites maisons en bois ont été agrémentées de différentes figures, dont un squelette revêtu d’une bure. A la fin octobre, la température y était presque caniculaire, ce qui laisse imaginer les conditions de travail des anciens mineurs.P1040026

    Arrivés à Los Angeles, nous avons parcouru la ville en minibus, dans les encombrements, jusqu’à Hollywood. J’ai été plutôt déçu par Hollywood : certes la grande enseigne à flanc de colline est bien présente, ainsi que le tapis d’étoiles sur le trottoir, mais les bâtiments des studios ne sont guère impressionnants.

    En revanche, la traversée nocturne des célèbres quartiers de Beverly Hills, avec ses belles villas et la modeste maison de Marilyn Monroe, et Sunset Boulevard, jusqu’à Santa Monica, au bord de l’Océan Pacifique, où nous avons dîné dans un restaurant de poissons situé sur une jetée fut un moment agréable. Il ne nous restait plus qu’à gagner notre hôtel, à côté de l’aéroport, pour embarquer de bonne heure le lendemain matin.

    Partager via Gmail

    2 commentaires



    Suivre le flux RSS des articles
    Suivre le flux RSS des commentaires