• Nadja est un ouvrage plus ou moins inclassable, même parmi la production d’André Breton. Il revêt un aspect indéniablement autobiographique, même si la période de temps auquel il fait référence est très courte. Il débute par une sorte d’autoportrait sans concessions par lequel André Breton exprime ses préférences et ses rejets. Souvent désœuvré, promeneur impénitent dont les pas le ramènent régulièrement vers le boulevard Bonne Nouvelle, il se laisse volontiers séduire par la découverte d’objets inattendus ou de textes.

    C’est au cours de l’une de ces promenades, dans l’année 1926, qu’il rencontre une jeune femme : « très pauvrement vêtue,…elle va la tête haute, contrairement à tous les autres passants. » Il lui adresse la parole, elle lui fait part de « difficultés d’argent qu’elle éprouve. » Breton est fasciné par ses yeux.

    C’est ainsi qu’est née une relation qui ne dura que quelques jours. La jeune femme a choisi de se faire appeler Nadja, début du mot espérance en russe. Elle vit dans le dénuement. Elle insiste pour le revoir et s’efforce de le rencontrer chacun des jours qui suit, ce que Breton accepte aisément, tout en étant marié à cette époque.

    Ce qu’André Breton évoque dans son compte rendu de ces journées, c’est l’étrange état d’esprit de Nadja, apparemment un peu perturbée psychiquement, qui fait écho aux thèmes mis en avant par le groupe surréaliste durant la même période. Quant à Nadja, subjuguée par la personnalité et la conversation de Breton, elle cherche d’une certaine façon à se mettre sous son emprise et sa protection. Breton, en revanche, est conscient de ne pas aimer Nadja, mais elle l’attire et l’intéresse par son côté différent de la norme. Breton décèle bien en elle le dérèglement psychique, mais sa connaissance du quotidien des asiles d’aliénés, tel qu’il existait à l’époque, le dissuade d’engager sa « protégée » à recourir à leurs services.

    Au cours des derniers jours de leur relation, Nadja donne à André Breton des dessins qu’elle a faits, qui témoignent d’un talent certain et d’une imagination aiguë. Fidèle au principe du bannissement de la description cher aux surréalistes, Breton a inclus dans son ouvrage des photographies des dessins de Nadja, ainsi que de certains éléments de sa narration : bâtiments, statues ou autres œuvres.

    Ils partent aussi en excursion à Saint Germain, en prenant le train à la gare Saint Lazare. Au cours du trajet, Nadja semble frappée d’étranges illuminations.

    Livre né de circonstances imprévues, mélangeant différents thèmes dans une écriture très soignée, Nadja reste un ouvrage hors norme dont le charme tient à la relation de ces années éloignées et aux thèmes qui touchent à l’un des mouvements littéraires les plus marquants du siècle passé.

     

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  • Les Bandini sont une famille d’origine italienne, immigrée aux Etats-Unis, dans le Colorado. Le père, Svevo Bandini, est maçon. Honnête travailleur d’un caractère bouillant, il peine à gagner correctement sa vie et à fournir le nécessaire à son épouse Maria et à ses trois garçons. L’épicier de son quartier tient en permanence une « ardoise » de son compte, qui ne se solde jamais.

    L’ainé des fils, Arturo, est un adolescent difficile, qui cherche à dominer ses deux frères et, surtout, à séduire sa camarade de classe Rosa, sans grand succès.

    John Fante fait vivre toute cette famille, avec ses tensions, dans un style très vif, qui fait succéder les événements de façon quelque peu abrupte. La violence des caractères correspond bien au ton en vigueur dans la littérature américaine des années 1930.

    Il s’agit au total d’une analyse sensible de la vie des immigrés en Amérique à cette époque difficile.

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  • Spinoza constate que la majorité des humains sont généralement crédules et ne réfléchissent guère à la cause des phénomènes ou à la motivation des actions qui marquent l’évolution des sociétés.

    Pour tenter de rompre dans une certaine mesure les explications superficielles qui donnent lieu à des croyances arbitraires, il rédigea le Traité théologico-politique. Celui-ci vise en premier lieu à lutter contre l’illusion dans laquelle vivent très largement les individus dans la sphère sociale. Il traite donc de deux grandes questions qui peuvent paraître étrangères l’une à l’autre : la croyance religieuse et la politique. Cependant, à l’époque où il vivait, ces deux entités étaient liées, puisque le pouvoir politique s’appuyait constamment sur la croyance religieuse pour diriger l’Etat.

    L’entreprise de Spinoza, qui débute par une analyse de l’Ecriture, a été facilitée par la connaissance de l’hébreu, qu’il avait acquise auprès des rabbins de sa communauté d’origine, pour tous les textes de l’Ancien Testament. En revanche, sa lecture du Nouveau Testament a dû être plus ardue, car il n’avait pas poussé l’étude du grec aussi loin.

    Quoi qu’il en soit, par une lecture critique particulièrement fine, Spinoza parvint à démontrer que bon nombre des textes de l’Ancien Testament n’ont pas été rédigés par leurs auteurs présumés, et doivent être datés de plusieurs siècles plus tard qu’énoncé antérieurement.

    Dans son étude, il s’attache longuement aux prophéties et note en particulier : «La prophétie relève de la simple imagination, qui n’enveloppe pas la certitude. A l’imagination du prophète doit donc s’ajouter quelque signe en provenance de Dieu, pour convaincre le prophète de la réalité de sa prophétie. »

    Il précise que « beaucoup de choses sont rapportées réelles dans l’Ecriture et étaient même crues réelles, qui n’étaient que des visions et des choses imaginaires. »

    Il insiste qu’un de ses motifs premiers est de lutter contre les préjugés des théologiens. De surcroît, il existait aux Pays-Bas des minorités religieuses qui subissaient l’intolérance des églises calvinistes. Or, l’un des buts majeurs de Spinoza est la possibilité accordée à chacun de penser ce qu’il veut, sans aucune répression des autorités religieuses ou civiles.

    Sur le plan politique, le système conçu par Spinoza vise à reconnaître l’abandon par les citoyens d’un  Etat de toute prérogative  dans la conduite de la politique menée par le souverain. Il importe que le pouvoir souverain (représenté soit par un monarque, soit par une assemblée de notables), conduise les affaires de l’Etat selon l’intérêt général, tout en préservant les libertés publiques et, en particulier, la liberté de penser. Un citoyen ne devrait donc pas être inquiété pour ses opinions.

    Evidemment, sur de telles questions, Spinoza était un précurseur, et même si ses opinions démocratiques n’allaient pas aussi loin que les normes atteintes de nos jours par les Etats démocratiques, elles étaient très en avance sur leur temps.

    Si l’on compare les conceptions de Spinoza à la théorie de son contemporain Hobbes, il apparaît clairement que Spinoza avait une vision politique beaucoup plus douce que son confrère anglais.

     

    Autres articles consacrés à Spinoza :

    Le Traité politique – Spinoza

    Traité de la réforme de l’entendement – Spinoza

    Correspondance entre Guillaume de Blyenbergh et Spinoza

     

     

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