• Le Spleen de Paris est le premier recueil de poésie en prose publié en France. Selon la formule de Georges Blin, il s’agît « d’un commencement absolu ». Ultérieurement à cette publication, le poème en prose a souvent été considéré comme une transcription du poème en vers. Ainsi, pour certains commentateurs, le Spleen de Paris serait une reprise des Fleurs du Mal. Cette interprétation ne semble toutefois pas devoir être retenue.

    En effet, dans ses poèmes en prose Baudelaire introduit de nouveaux sujets dans la poésie, tels que la modernité urbaine qui correspond à la période de la transformation de Paris à l’époque du Second Empire, sous l’impulsion du Baron Haussmann.

    Il convient également de préciser que la première publication de poèmes du Spleen de Paris a eu lieu en 1855, soit deux ans avant la publication des Fleurs du mal. Il s’agissait des poèmes intitulés le Crépuscule du soir et la solitude.

    Le premier titre envisagé par Baudelaire était : Poèmes nocturnes, en référence aux œuvres d’Aloysius Bertrand Gaspar de la nuit, ou de Rétif de la Bretonne La nuit de Paris. D’autres titres avaient encore été envisagés par Baudelaire, mais il a finalement adopté le Spleen de Paris, dans une forme d’association à Londres. Le Spleen de Paris devait être un autre spleen, pour servir de pendant aux Fleurs du mal. Dans une lettre à Arsène Houssaye, Baudelaire déclarait qu’il s’agissait de contrebalancer les Fleurs du mal, dans une sorte de diptyque. Il faisait ainsi référence au procès qui avait suivi la publication de son premier recueil et aux pièces condamnées qui en ont résulté.

    Les buts de Baudelaire dans cette nouvelle entreprise étaient de se remettre du procès, de faire un ouvrage de morale et de gagner de l’argent.

    Initialement, Baudelaire avait envisagé un recueil de cent poèmes, à l’identique des Fleurs du mal, mais à la fin il se limita à cinquante poèmes.

    Dans le même temps, d’autres projets surgissent dans l’esprit de Baudelaire : écrire une autobiographie ; ce sera Mon cœur mis à nu.

    Néanmoins, Baudelaire se lance dans une peinture de Paris, ville qui suscite en lui fascination et détestation tout à la fois : « Horrible vie, horrible ville ». Il dépeint l’  « Haussmanisation » en cours dans un bon nombre de poèmes, sans chercher à fournir un tableau complet de la transformation de Paris.

    La transformation de Paris était déjà un thème à la mode chez différents écrivains, tels Rousseau, Restif de la Bretonne, Nerval ou Hugo, et, ultérieurement, André Breton.

    La vision de Baudelaire va au-delà du pittoresque souvent privilégié par ses confrères. Par exemple, le poème intitulé les fenêtres vise à éduquer le regard en faisant appel à l’imagination. Baudelaire ne cherche pas la vérité, mais plutôt l’idéalisation ou la « dés-idéalisation ».  Il manie volontiers l’ironie, notamment vis-à-vis de Victor Hugo, qu’il considère comme un hypocrite.

    Dans son recueil, le lecteur chercherait en vain une ligne du discours : il n’y a pas d’ordre, et l’ordre des poèmes dans le recueil ne correspond pas à la volonté de Baudelaire, mais au choix de Théodore de Banville qui a participé à la publication.

    Les grands thèmes du recueil sont Spleen et idéal, qui évoque la situation tragique de l’homme, et les Tableaux parisiens, mettant en évidence l’aggravation de la condition humaine générée par la vie moderne. Contrairement aux Fleurs du mal, recueil extrêmement construit, comportant un discours moral, dans le Spleen de Paris, la construction échappe au lecteur.

    La ville apparaît comme un nœud de rapports, dominés par «l’universelle analogie ». A l’époque des premières publications, Baudelaire est surnommé poète  journaliste par la presse, en raison de ses publications d’articles dans les journaux où il publiait des feuilletons, à l’exemple de Balzac ou Dumas.

    Arsène Houssaye, son éditeur, décida d’arrêter la première publication au poème intitulé le mauvais vitrier, après la publication de vingt-six poèmes. Ce qui est frappant, c’est l’extrême diversité de tous ces premiers poèmes et l’absence relative de Paris dans leur contenu. Il convient de noter l’impersonnalité totale des poèmes de Baudelaire, à l’encontre de la dérive du mouvement romantique.

    Baudelaire établit un lien de continuité entre les poèmes, tout en conservant le désordre entre les textes, misant sur les effets de contraste, souhaitant ainsi faire travailler le lecteur pour trouver des liens entre les poèmes.

    Il affiche une haine farouche de la France du Second Empire, tout en précisant que, pire que la France, il y a la Belgique. En réalité, il a cherché à faire entrer dans ses poèmes en prose toute sa mauvaise humeur et sa haine, en rejetant le « bon goût » français et la culture bourgeoise. Sa recherche vise la « beauté éphémère ».

     

    N.B. Cet article est né d'un cours de l'Université Inter-âges de Paris-Sorbonne animé par le professeur Olivier Gallet.

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  • Salomon Ibn Gabirol, également surnommé Avicebron, est considéré comme le philosophe juif le plus original du Moyen Âge.

    Son ouvrage principal, Fons Vitae – La Source de Vie, introduit le néo-platonisme dans la philosophie européenne du Moyen Âge.

    Pour lui, l’intellect se rapproche de l’Esprit Saint : il s’agît d’un élément intermédiaire entre Dieu et l’homme.

    Selon cette philosophie, l’âme est rattachée à la source de vie et ne meurt donc pas. Seul le corps physique meurt : toute cette philosophie repose entièrement sur une expérience mystique vécue par son auteur.

    Il convient de noter que bien que Juif, Salomon Ibn Gabirol a rédigé son ouvrage en arabe, se conformant ainsi à l’usage de la quasi-totalité des philosophes du Moyen Âge.

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  • Pour son premier roman, publié en 1968, Patrick Modiano use d’un paradoxe énorme : son personnage central, Raphaël Schlemilovitch, affirme être un Juif antisémite, lié à la Gestapo. Il cultive quelques relations avec des personnalités en vue à l’époque, et généralement favorables au troisième Reich. Il rencontre son père qui avait émigré aux Etats-Unis pour se lancer dans les affaires, et il mène au total une vie assez incroyable, multipliant les rencontres avec des dirigeants du IIIème Reich, se lançant dans une activité de proxénète international, avant d’émigrer vers Israël, où il sera retenu dans un camp au régime sévère, qui n’a rien à envier à ceux des régimes dits totalitaires.

    A la fin de son parcours, le lecteur le retrouve sur le divan d’un psychanalyste, à Vienne naturellement.

    En résumé, ce premier roman exprime déjà toutes les ambiguïtés qui seront développées par le romancier Modiano au fil de son œuvre.

     

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  • Dans un village de Colombie où la population a souffert de la guerre civile, un maire à poigne a réussi à calmer la situation en terrorisant ses administrés. Cela n’empêche pas que des tracts anonymes soient épinglés sur les portes de certaines maisons.

    A la suite de cet épisode, un meurtre est commis, et les tracts se multiplient, créant dans la bourgade une atmosphère étouffante. Le curé prend l’initiative de demander au maire de rétablir l’ordre, incitant celui-ci à céder à son penchant naturel, la terreur, ce qui fait retourner tout le village à son passé déliquescent.

    Gabriel Garcia Marquez mène ce court récit avec beaucoup de brio dans la description, sans doute trop réelle, du mélange de la terreur et de la misère que subit largement l’Amérique Latine.

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