• Autour des sept collines – Julien Gracq

    Lorsque Julien Gracq partit pour Rome, à l’âge de soixante-six ans, c’était sans attirance particulière. Il laisse comprendre que son unique séjour en Italie avait été consacré à Venise, antérieurement. Ce qui le fascinait dans la cité des Doges, c’était «son statut abrupt de cité-île ».

    Son voyage à Rome, donc, se déroula en train, et c’est avec le regard du géographe qu’il l’aborda, essentiellement pour déplorer, dans la campagne italienne, l’absence de miroirs d’eau pour refléter le ciel, comme dans son Val de Loire natal, et pour constater la vacuité de cette campagne, sans châteaux ou manoirs, qui n’a pour seule fonction que de servir d’espace intermédiaire entre les villes, où toute la vie se passe.

    Il regretta d’avoir eu l’idée saugrenue de passer une journée à Florence, délai beaucoup trop court pour visiter cette ville chargée d’histoire, qui suscitait en lui une certaine aversion du fait du souvenir de la manufacture de textile, avec  «le suint et la poussière, le cuveau à teinture et la terre à foulon, l’humidité de cave, la saleté ténébreuse de la manufacture. »

    Il ne s’agissait que d’une impression toute personnelle, car cette activité avait complètement disparu. Julien Gracq ne manqua pas d’être impressionné toutefois à la découverte globale du site de la ville avec « le niveau horizontal des toits de tuile… » qui « remplit exactement la conque où elle s’est installée à la manière d’un lac. »

    La route de Florence à Rome lui déplut tout autant que le début de son itinéraire et, à Rome même, le poids de l’Histoire lui parut accablant pour cette ville qui ne parvient pas à se remettre de la décadence et de la chute de son Empire qui laissa tant de ruines que la cité peine à maintenir en état, et qui empêche un développement rationnel à la capitale de l’Italie moderne.

    Ce que Julien Gracq détestait le plus dans une ville comme Rome, c’est les hordes de touristes partis à l’assaut de tous les sites historiques dans le sillage d’un guide bruyant.

    Ce qu’il appréciait dans la découverte d’une ville ou d’un site inconnu, c’est l’imprévu, le hasard, le choc causé par une vision fugitive, le plaisir furtif arraché au spectacle d’une scène de rue fortuite. Il affectionnait certains restaurants proches de la Trinité-des-Monts, où les menus sans manière étaient aussi attirants que la gaîté des serveurs.

    En revanche, il déplorait le côté misérable du Tibre, étroit petit cours d’eau resserré sans attrait entre ses quais.

    De même, la façade de la Basilique Saint Pierre au Vatican, lui paraissait à la fois étriquée et lourde, en proportion de l’ensemble du bâtiment et de son énorme dôme.

    En revanche, la place Navone trouva grâce à ses yeux par son caractère fermé, qui lui confère tout son charme, ainsi qu’à la place du Capitole, à la place des Chevaliers de Malte ou à la place de la fontaine de Trévi. « La féérie urbaine est liée plus d’une fois, pour le flâneur solitaire, à ces alvéoles protégées dont l’accès imprévu s’offre à vous moins comme l’usage d’une commodité générale que comme une faveur privée. »

    Finalement, c’est à Naples que Julien Gracq retrouva sa sérénité, dans une ville sans monuments mondialement connus, mais à la vie ardente qui offre des scènes inattendues.

     

    Ce court essai au ton souvent caustique, que n’entame pas le style admirable de Julien Gracq, devrait plaire aux voyageurs qui refusent les sentiers battus et les idées toutes faites sur les lieux qu’ils vont visiter. 

     

     

    A lire aussi : Un beau ténébreux - Julien Gracq

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