• Les 7 roses de Tôkyô est un long roman fleuve qui rend compte de la fin de la Seconde Guerre Mondiale au Japon, avec les bombardements des avions anglo-américains, qui ont détruit une large part des agglomérations japonaises et, en particulier, de Tôkyô, n’épargnant pas les quartiers d’habitation.

    Le narrateur, Shinsuke Yamanaka, est un artisan, fabricant d’éventails à Tôkyô. Il note tous les événements qui le marquent, au jour le jour, dans son journal, à la fin de la guerre et jusqu’en avril 1946.

    Il se trouve ainsi amené à décrire la souffrance du peuple japonais, qui a subi notamment l’explosion des deux bombes atomiques à Hiroshima et Nagasaki. Engagé en réaction à ce qui relève des crimes de guerre, il milite pour que les chefs militaires des USA soient poursuivis devant les tribunaux internationaux. Lui-même est personnellement touché dans sa famille par la perte d’une de ses filles.

    Au lendemain de la défaite de son pays, il est effaré de voir un bon nombre de ses compatriotes courtiser les vainqueurs, les soldats américains, dont le général Mac Arthur, qui a pris directement le commandement du gouvernement du Japon.

    Il est clair que la tonalité générale du roman tranche avec les quelques pages d’histoire rapidement lues au lycée dans nos années de formation, où l’accent était mis sur les pilotes kamikazes japonais.

    Quoi qu’il en soit, les positions tranchées de Shinsuke Yamanaka le conduisent à plusieurs reprises en prison, du fait de ses contestations radicales et de son hostilité affichée aux nouvelles règles édictées.

    La grande affaire qui le mobilise en particulier est l’attaque en règle des Américains contre la langue japonaise dans sa longue tradition.

    Ce roman touffu pourra rappeler aux lecteurs un peu familiarisés avec les littératures asiatiques le long roman de Lao She Quatre générations sous un même toit, qui relate l’occupation de la Chine, en particulier à Pékin, par l’armée japonaise deux ans avant le début de la Seconde Guerre Mondiale jusqu’à la fin de la guerre.

    Le contexte et le cadre sont évidemment différents, mais il peut être intéressant de faire le rapprochement entre ces deux œuvres monumentales, créées en réponse à un conflit au cours duquel les deux pays se sont affrontés.

    Partager via Gmail

    votre commentaire
  • Bianca, jeune peintre aquarelliste, arrive dans la propriété de Brusuglio, en Lombardie, au début du XIXème siècle, à l’invitation du propriétaire, le poète don Titta.

    Sa mission est  de peindre toutes les fleurs du vaste jardin, si possible à chaque stade de leur évolution. Cette tâche apparaît titanesque, vue la multiplicité des variétés à collecter. Nous sommes au début du XIXème siècle, dans une société de riches propriétaires terriens, qui emploient un grand nombre d’ouvriers agricoles et de servantes dans leurs domaines.

    Immédiatement prise par sa tâche, Bianca observe les usages de la maison, les relations entre les maîtres et les nombreux serviteurs, et elle s’intéresse aux enfants et jeunes gens qui gravitent dans ce petit monde. Elle se lie rapidement d’amitié avec un professeur britannique, Stuart Aaron James Innes : celui-ci est devenu le précepteur des enfants du maître de maison.

    La progression du travail de Bianca est très lente, ce qui confère au roman un rythme étrangement stable. La peinture des fleurs s’accommode de l’avancement régulier des saisons, tout en laissant à l’artiste le loisir d’observer les mouvements des habitants de la propriété et, en particulier, de se lier avec une toute jeune servante dénommée Pia.

    Le statut de celle-ci dans la maison lui semble étonnant. Elle ne peut s’empêcher d’accumuler toutes les remarques qui lui viennent à l’esprit et de soupçonner un secret de famille enseveli au plus profond des consciences.

    Ainsi ce roman évolue-t-il innocemment de la botanique à une ébauche d’enquête de détective improvisée.

    Les ruptures se produisent autant dans la méthode de peinture des plantes que dans la recherche des faits cachés au plus profond des familles. Le lecteur est constamment tenu en haleine, au fil des événements cruels ou simplement tristes, et de la progression du catalogue des planches de fleurs. Il convient d’entrer dans ce roman selon son rythme, avec une sereine lenteur, et de se laisser porter par le flot des événements, dont les dénouements peuvent laisser au lecteur une forte odeur de pourriture.

    La personnalité attachante de Bianca confère à l’ensemble de l’ouvrage une tonalité très largement féminine, enrichie de toutes les facettes que cette héroïne malgré elle dévoile lentement au lecteur, en même temps qu’à ses interlocuteurs de cette sombre famille de poètes exploitants agricoles.

     

    Partager via Gmail

    votre commentaire
  • Nadja est un ouvrage plus ou moins inclassable, même parmi la production d’André Breton. Il revêt un aspect indéniablement autobiographique, même si la période de temps auquel il fait référence est très courte. Il débute par une sorte d’autoportrait sans concessions par lequel André Breton exprime ses préférences et ses rejets. Souvent désœuvré, promeneur impénitent dont les pas le ramènent régulièrement vers le boulevard Bonne Nouvelle, il se laisse volontiers séduire par la découverte d’objets inattendus ou de textes.

    C’est au cours de l’une de ces promenades, dans l’année 1926, qu’il rencontre une jeune femme : « très pauvrement vêtue,…elle va la tête haute, contrairement à tous les autres passants. » Il lui adresse la parole, elle lui fait part de « difficultés d’argent qu’elle éprouve. » Breton est fasciné par ses yeux.

    C’est ainsi qu’est née une relation qui ne dura que quelques jours. La jeune femme a choisi de se faire appeler Nadja, début du mot espérance en russe. Elle vit dans le dénuement. Elle insiste pour le revoir et s’efforce de le rencontrer chacun des jours qui suit, ce que Breton accepte aisément, tout en étant marié à cette époque.

    Ce qu’André Breton évoque dans son compte rendu de ces journées, c’est l’étrange état d’esprit de Nadja, apparemment un peu perturbée psychiquement, qui fait écho aux thèmes mis en avant par le groupe surréaliste durant la même période. Quant à Nadja, subjuguée par la personnalité et la conversation de Breton, elle cherche d’une certaine façon à se mettre sous son emprise et sa protection. Breton, en revanche, est conscient de ne pas aimer Nadja, mais elle l’attire et l’intéresse par son côté différent de la norme. Breton décèle bien en elle le dérèglement psychique, mais sa connaissance du quotidien des asiles d’aliénés, tel qu’il existait à l’époque, le dissuade d’engager sa « protégée » à recourir à leurs services.

    Au cours des derniers jours de leur relation, Nadja donne à André Breton des dessins qu’elle a faits, qui témoignent d’un talent certain et d’une imagination aiguë. Fidèle au principe du bannissement de la description cher aux surréalistes, Breton a inclus dans son ouvrage des photographies des dessins de Nadja, ainsi que de certains éléments de sa narration : bâtiments, statues ou autres œuvres.

    Ils partent aussi en excursion à Saint Germain, en prenant le train à la gare Saint Lazare. Au cours du trajet, Nadja semble frappée d’étranges illuminations.

    Livre né de circonstances imprévues, mélangeant différents thèmes dans une écriture très soignée, Nadja reste un ouvrage hors norme dont le charme tient à la relation de ces années éloignées et aux thèmes qui touchent à l’un des mouvements littéraires les plus marquants du siècle passé.

     

    Vous pouvez également être intéressé par :

    L'Amour fou - André Breton

    Partager via Gmail

    3 commentaires
  • Les Bandini sont une famille d’origine italienne, immigrée aux Etats-Unis, dans le Colorado. Le père, Svevo Bandini, est maçon. Honnête travailleur d’un caractère bouillant, il peine à gagner correctement sa vie et à fournir le nécessaire à son épouse Maria et à ses trois garçons. L’épicier de son quartier tient en permanence une « ardoise » de son compte, qui ne se solde jamais.

    L’ainé des fils, Arturo, est un adolescent difficile, qui cherche à dominer ses deux frères et, surtout, à séduire sa camarade de classe Rosa, sans grand succès.

    John Fante fait vivre toute cette famille, avec ses tensions, dans un style très vif, qui fait succéder les événements de façon quelque peu abrupte. La violence des caractères correspond bien au ton en vigueur dans la littérature américaine des années 1930.

    Il s’agit au total d’une analyse sensible de la vie des immigrés en Amérique à cette époque difficile.

    Partager via Gmail

    votre commentaire
  • Au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale, Paul Morand a souffert des conséquences de ses sympathies pétainistes. La relative mise à l’écart qu’il eut à subir a dû peser sur sa notoriété et sur le succès de son œuvre. Il convient néanmoins de reconnaître que son Homme pressé est un roman très bien mené, dans un style très fluide et qui vaut par sa justesse d’écriture. Portrait d’un individu qui bout d’impatience à observer la lenteur de ses contemporains, le roman démontre avec une grande acuité le caractère pénible que peut revêtir l’attitude d’un homme doué d’une forte énergie et d’un incontestable talent, mais dont le rythme trépidant épuise ses proches, y compris sa compagne, pourtant choyée, à un moment majeur de leur courte vie de couple.

    Indépendamment du tropisme de cet homme qui vit à cent à l’heure, le roman expose la vie originale d’un milieu bourgeois qui se complaît dans une existence étriquée, sous la férule d’un matriarcat pesant.

    A la fois étude psychologique et satire mordante, l’Homme pressé laisse une forte impression.

    Partager via Gmail

    votre commentaire


    Suivre le flux RSS des articles de cette rubrique
    Suivre le flux RSS des commentaires de cette rubrique