• Pour son premier roman, publié en 1968, Patrick Modiano use d’un paradoxe énorme : son personnage central, Raphaël Schlemilovitch, affirme être un Juif antisémite, lié à la Gestapo. Il cultive quelques relations avec des personnalités en vue à l’époque, et généralement favorables au troisième Reich. Il rencontre son père qui avait émigré aux Etats-Unis pour se lancer dans les affaires, et il mène au total une vie assez incroyable, multipliant les rencontres avec des dirigeants du IIIème Reich, se lançant dans une activité de proxénète international, avant d’émigrer vers Israël, où il sera retenu dans un camp au régime sévère, qui n’a rien à envier à ceux des régimes dits totalitaires.

    A la fin de son parcours, le lecteur le retrouve sur le divan d’un psychanalyste, à Vienne naturellement.

    En résumé, ce premier roman exprime déjà toutes les ambiguïtés qui seront développées par le romancier Modiano au fil de son œuvre.

     

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  • Dans un village de Colombie où la population a souffert de la guerre civile, un maire à poigne a réussi à calmer la situation en terrorisant ses administrés. Cela n’empêche pas que des tracts anonymes soient épinglés sur les portes de certaines maisons.

    A la suite de cet épisode, un meurtre est commis, et les tracts se multiplient, créant dans la bourgade une atmosphère étouffante. Le curé prend l’initiative de demander au maire de rétablir l’ordre, incitant celui-ci à céder à son penchant naturel, la terreur, ce qui fait retourner tout le village à son passé déliquescent.

    Gabriel Garcia Marquez mène ce court récit avec beaucoup de brio dans la description, sans doute trop réelle, du mélange de la terreur et de la misère que subit largement l’Amérique Latine.

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  • Ce célèbre pamphlet, précédé d’une longue préface de Sartre, qui fut le camarade de Nizan à l’Ecole Normale, est un cri de révolte d’un jeune homme en colère, qui paraît avoir intégré le sentiment de culpabilité transmis par son père pour avoir trahi sa classe d’origine, en étudiant pour améliorer sa situation sociale. Cette histoire familiale fut racontée dans Antoine Bloyé.

    Comme le précise Sartre, « Nizan, c’était un trouble-fête. Il appelait aux armes, à la haine…

    L’ouvrage établit une relation de la situation de son auteur à la fin de ses études, de son désir de partir pour échapper au climat de la France jugé ranci.

    Le voyage vers Aden introduit une note d’exotisme, bien vite contredite par l’atmosphère d’ennui et de torpeur qui régnait dans cette société où une chape de plomb semble peser sur toute la population.

    Ce destin fait immanquablement penser à Rimbaud : révolte contre la société toute entière, inspiration tragique, écriture admirable, exil dans une contrée déshéritée et décès prématuré.

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  • Ce court récit débute dans un train, comme c’était assez fréquent au XIXème siècle, surtout chez les romanciers russes.

    Dans le compartiment, trois voyageurs ont pris place : une femme âgée avec un avocat qui l’accompagne, et un homme indéfinissable.

    Les deux premiers évoquent la recrudescence des divorces en Russie. Le voyageur solitaire intervient dans la conversation en affirmant que l’amour est un mythe, que seule l’attirance physique pousse les humains à s’unir. Cet individu nommé Poznychev finit par déclarer qu’il a tué sa femme. Il va alors expliquer le déroulement des événements qui l’ont amené à accomplir ce meurtre.

    Dès les premiers temps, son mariage apparaissait comme un échec, et les relations entre les deux conjoints étaient mauvaises. Poznychev affirme que les unions ne reposent que sur des illusions et sur l’attirance physique  que ressentent les individus, ce qu’il considère comme néfaste et coupable. Il prétend que le devoir des humains est de suivre l’exemple du Christ.

    Néanmoins, au cours de sa conversation, il déclare qu’il présenta un musicien à sa femme qui, elle-même, jouait du piano. Celui-ci, nommé Troukhachevski, jouait du violon. Ils s’exerçaient de concert à interpréter la Sonate à Kreutzer de Beethoven.

    Assistant à l’entente parfaite des musiciens au cours de leur répétitions, Poznychev ressent une jalousie insoutenable et va accomplir l’irréparable.

    Toute la matière de cette nouvelle, somme toute relativement banale, incite Tolstoï à ajouter une longue postface à son œuvre, dans laquelle il dénonce l’attirance des jeunes gens pour la vie sexuelle, et même la procréation.

    Il en vient même à nier toute pertinence à la reproduction en tant que telle, c’est-à-dire à envisager l’extinction de l’espèce comme remède aux maux qu’il dénonce.

    Il est difficile pour le lecteur contemporain d’imaginer que Tolstoï avait toute sa raison lorsqu’il écrivit la postface totalement nihiliste à son œuvre. Il est également connu qu’à la fin de sa vie il s’était mis à errer comme un vagabond.

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  • En 1580, Montaigne entame un voyage qui le conduira en Allemagne, en Suisse et en Italie sur une durée de quatorze mois. De ce long périple un journal témoigne. Cependant, il s’agît d’un journal à deux mains, puisque toute la première partie a été rédigée par un domestique de Montaigne, qui exerçait la fonction de secrétaire. Cette partie comporte donc toute la route depuis la France : la région parisienne, la Champagne, la Lorraine et l’Alsace, jusqu’à Rome, après avoir traversé la Suisse, l’Allemagne et le nord de l’Italie. Le secrétaire écrivait très bien et il manifestait constamment une très haute estime de son maître Monsieur de Montaigne. Toute la partie du journal qu’il a rédigée, qui représente environ la moitié de l’ouvrage, est très détaillée : elle contient tous les lieux traversés, les difficultés inhérentes au voyage, le confort des auberges et des chambres où les voyageurs ont séjourné et, surtout, les problèmes de santé de son maître : en effet, Montaigne souffrait notamment de maladies rénales et intestinales.

    Le secrétaire, outre la description détaillée des lieux visités, notait scrupuleusement la longueur de chaque tronçon de route parcouru, en lieues, et le coût des hôtels et de la location des chevaux ou voitures. Il détaillait également les haltes de son maître pour prendre les eaux de chaque source disponible. Il convient de noter en particulier son évocation très positive d’Augsburg en Allemagne, où les deux voyageurs, outre les monuments marquants de la ville, ont visité la « Fuggerei », première cité ouvrière créée dans le monde par la famille des banquiers Fugger, pour loger à bon marché dans d’excellentes conditions les travailleurs modestes. Cette cité existe encore de nos jours et abrite de nombreuses familles.

    Ce n’est qu’à Rome que, le secrétaire reparti vers le Périgord,  Montaigne reprit la rédaction du Journal. Le lecteur peut y trouver quelques différences de ton, notamment dans l’accent porté sur l’étroitesse des relations de Montaigne avec un grand nombre de personnalités politiques ou religieuses italiennes.

    Pour corser un peu plus les choses, Montaigne rédigea toute la fin du Journal en italien.

    Dans toute sa rédaction domine le souci de sa santé et les bienfaits plus ou moins grands des eaux prises dans les différentes stations.

    Il convient de noter que c’est pendant son voyage, et donc en son absence, que Montaigne avait été élu maire de Bordeaux, élection dont il apprit la nouvelle au cours du voyage.

    Les étapes les plus notables de ce long périple, outre Augsburg, sont Bâle en Suisse et, en Italie, Venise et Rome, beaucoup plus que Florence, que Montaigne ne semblait pas apprécier énormément.

    A la fin du journal, seule domine la santé de l’auteur.

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