• Le Pavillon d’Or – Yukio Mishima

    Yukio Mishima compose l’un des plus beaux portraits de frustré de toute la littérature. Le narrateur du Pavillon d’Or, Mizoguchi, est le fils d’un prêtre bouddhiste. Alors qu’il était très jeune, son père commença à lui parler du Pavillon d’Or, l’un des principaux chefs d’œuvre de l’architecture religieuse japonaise, sis à Kyoto, et l’enfant, devenu adolescent, en conserva une vision éblouie.

    Ce qui perturba très tôt Mizoguchi, c’est le bégaiement qui l’affligeait. Au collège déjà, ses camarades se moquaient de lui à cause de ce défaut d’élocution. Il ressentait cette infirmité, pourtant relativement mineure, comme un obstacle entre lui et le monde extérieur.

    En réaction à ce complexe, Mizoguchi développa une volonté de puissance qui reposait d’une part sur l’histoire des tyrans et d’autre part sur l’activité des artistes de génie. Il se construisit donc un imaginaire destiné à compenser les déficiences de son élocution, qu’il ressentait comme une tare rédhibitoire.

    Tout en se destinant à devenir prêtre, à l’exemple de son père, à l’aube de son adolescence, il tomba amoureux d’une jeune voisine nommée Uiko. Provoquant une rencontre plutôt brutale avec celle-ci, il se retrouva complètement effaré lorsque Uiko apparût et il ne put lui adresser une parole. Par la suite, ses relations avec les femmes furent toujours marquées par de fortes inhibitions.

    Entré au temple Rokuonji, dont dépendait le Pavillon d’Or, sous la protection du Prieur, ami de son père, Mizugoshi put s’adonner à son admiration sans partage du célèbre Pavillon. Comme le début de l’action du roman coïncide avec les derniers mois de la Deuxième Guerre Mondiale, le risque de bombardement et de destruction des trésors de Kyoto était particulièrement redouté.

    Au temple, la formation suivie par Mizugoshi contribua à renforcer sa tendance au rêve. La rencontre de camarades l’éloigna momentanément de ses complexes mais les compensations qu’il pouvait y trouver pouvaient le pousser à des actes répréhensibles, qui finirent par rebuter les camarades et les enseignants les mieux intentionnés.

    En dépit d’une progression inéluctable vers une catastrophe, ce roman nous fait pénétrer dans la culture et l’imaginaire japonais de façon à la fois brutale et subtile, avec une intensité qui se maintient jusqu’à sa conclusion.

    Partager via Gmail

  • Commentaires

    1
    AC
    Mercredi 29 Octobre 2014 à 15:15

      Toute la vie de Mishima aura été aspiration au sublime, à cette Beauté que symbolise le Pavillon d'or ou Kinkaku-ji (金閣寺)... http://www.youtube.com/watch?v=bO-w-cn-pJM

    • Nom / Pseudo :

      E-mail (facultatif) :

      Site Web (facultatif) :

      Commentaire :


    2
    Vendredi 31 Octobre 2014 à 13:28

    C'est sans doute exact, mais du sublime à l'innomable le chemin peut être étroit, d'où la tentation de la destruction du Pavillon d'Or, ou le choix final de Mishima de se faire hara kiri de façon spectaculaire.

    Merci de votre commentaire.

     

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :