• Moi, Pierre Rivière, ayant égorgé ma mère, …

    Le 3 juin 1835, le jeune Pierre Rivière, âgé de vingt ans, accomplit le triple meurtre mentionné dans le titre, à Aunay, un village du Calvados.

    En 1973, une équipe de chercheurs du Collège de France a constitué un dossier sur cette affaire emblématique, sous l’impulsion de Michel Foucault. La pièce maîtresse de ce dossier est le mémoire rédigé par Pierre Rivière lui-même, en prison, pour tenter d’expliquer son acte. Ce mémoire est écrit dans une très belle langue, même si l’orthographe est incertaine, et il rend compte de façon méticuleuse de la vie de la famille Rivière. Le lecteur pénètre très aisément dans les rapports de cette famille paysanne, dont la mère abuse de façon insupportable de la patience et de la gentillesse de son mari, refusant de vivre au domicile conjugal et le forçant à payer toutes les dettes qu’elle laisse derrière elle.

    Le jeune Pierre vouait un amour filial indéfectible à son père et il avoua que c’était pour délivrer celui-ci de l’emprise de cette femme impossible, qui lui gâchait toute sa vie, qu’il s’était résolu à ce triple meurtre.

    Outre les tensions de la société rurale française au début de la révolution industrielle, cette affaire illustre très bien la profonde évolution qu’a subie la procédure judiciaire au cours de ces années du XIXème siècle, tiraillée entre la volonté des magistrats de châtier les coupables et la prétention des psychiatres à démontrer l’aliénation de nombreux assassins, voulant leur épargner ainsi la peine capitale.

    Il faut lire le mémoire de Pierre Rivière très attentivement et le mettre en parallèle avec le dossier constitué par les rapports des experts, les pièces du procès et les articles parus dans la presse à l’époque de l’affaire.

    Une telle affaire, qui date de près de 180 ans, nous aide à mettre en perspective les soubresauts que la justice peut encore connaître de nos jours, dans l’incertaine évaluation des circonstances atténuantes et dans l’appréciation ambiguë des preuves que peut émettre un jury d’assises.

    Elle met en lumière aussi le laxisme que peut exercer la police dans la recherche d’un coupable qui, en l’occurrence, ne niait rien et ne se cachait même pas.

    Les analyses croisées des différents participants à l’élaboration de ce dossier enrichissent la perception du lecteur, sans atténuer l’importance majeure du mémoire du principal protagoniste de l’affaire, celui que ses voisins prenaient pour un idiot.

     

     

     

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