• Souvenirs obscurs d’un Juif polonais né en France – Pierre Goldman

    Ce livre a été écrit par Pierre Goldman après sa condamnation à la réclusion criminelle à perpétuité en 1974, pour le meurtre de deux pharmaciennes à la pharmacie Delaunay, située boulevard Richard Lenoir à Paris, le 19 décembre 1969.

    Visant à démontrer l’inanité du jugement qui le frappait, Goldman note les réactions que le procès suscita en lui. Puis il rédige une forme d’autobiographie, affirmant son identité juive, fils d’un père et d’une mère tous deux Juifs polonais et résistants actifs dans la France de l’occupation, lors de sa naissance en 1944. Après la séparation de ses parents, aucun document n’établissait que sa mère était réellement sa mère. Il fut alors ballotté entre différentes familles amies de son père, avant que celui-ci le reprît à son nouveau foyer. Dans son enfance, il rendait visite à sa mère en Pologne, où elle était retournée vivre. Il apprit ainsi à apprécier l’atmosphère qui régnait dans les Etats socialistes d’Europe Centrale, en particulier la Pologne et la Tchécoslovaquie.

    Il fut un adolescent réfractaire, contestant l’autorité dans les différents établissements où il fut envoyé, puis un étudiant engagé dans les mouvements proches du Parti Communiste tels que l’UEC. Très tôt attiré par la culture antillaise et la musique latino-américaine, pour poursuivre la lutte de résistance qu’avaient menée ses parents, il souhaita s’enrôler dans les guérillas d’Amérique centrale. Après une longue attente, il réussit à partir au Venezuela, où il ne fut guère mêlé à la lutte de partisans dont il avait rêvé. Au retour, il séjourna néanmoins une brève période dans une prison américaine.

    A son retour en France, il était considéré comme insoumis pour ne s’être pas présenté à l’armée en temps voulu. Contraint à la clandestinité, il résolut de vivre d’attaques à main armée. C’est cette spirale qui le conduisit à la cour d’assise après avoir été dénoncé comme l’auteur du meurtre des pharmaciennes du boulevard Richard Lenoir, meurtre dont il se déclarait innocent.

    Les plus longs développements du livre visent à démontrer la faiblesse de l’accusation, l’incohérence des témoignages et le fonctionnement absurde de la justice. Pierre Goldman réussit à disséquer tout le mécanisme de la machine judiciaire en vue de fabriquer un coupable arbitraire. Dans l’ouvrage, il reconnut n’avoir pas lu le Procès de Kafka, et n’avoir pas désiré le lire en prison, car il ressentait que son expérience s’apparentait au propos de Kafka. Et effectivement, c’est le sentiment que le lecteur qui connaît cette œuvre doit ressentir immanquablement : la reconnaissance du coupable désigné a priori, parce que sa biographie est atypique, qu’il est mal inséré dans la société bien pensante, qu’il passe pour un « métèque attiré par d’autres métèques ».

    Toute cette construction ressort sous la plume de Goldman de façon éclatante, dans un texte d’une élégance d’écriture remarquable et d’une clarté totale. Le « vilain canard » de la société française, véritable délinquant de surcroît, s’affiche comme un redoutable analyste de l’un des systèmes les plus opaques de nos institutions.

     

    Ce livre favorisa la tenue d’un second procès en 1976, au terme duquel Pierre Goldman fut reconnu innocent du double meurtre du boulevard Richard Lenoir. Libéré quelques mois plus tard, il fut assassiné le 20 septembre 1979. Le mystère de son meurtre, pas plus que celui des deux pharmaciennes, n’a jamais été éclairci.

     

     

     

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