• Tarabas, un hôte sur cette terre – Joseph Roth

    Nicolas Tarabas est un proscrit, un jeune Russe des confins de l’Empire chassé de chez lui par son père, qui a néanmoins financé son exil à New York. Ancien étudiant exclu de l’université de Saint Pétersbourg pour avoir adhéré à un groupe révolutionnaire, il déteste New York, cette ville de pierre, et se languit de sa campagne russe natale. Une gitane interrogée à une fête foraine à New York lui annonce qu’il sera « un meurtrier et un saint, qui va pêcher et expier, et tout cela ici-bas ». Encore à New York, il crut, à tort, avoir déjà réalisé la première partie de la prédiction après une rixe dans un bar.

    Depuis Stendhal et Julien Sorel, nous savons que des relations conflictuelles entre père et fils peuvent conduire les jeunes gens à des comportements extrêmes, qu’ils peuvent être amenés à payer de leur vie. Lorsque Tarabas eut vent de la déclaration de guerre en 1914 en Europe, sans hésiter, il reprit le bateau vers l’Europe et regagna le foyer familial.

    Froidement accueilli par ses parents, il entama une relation avec sa cousine Maria, ce qui conduisit son père à le chasser une nouvelle fois. Engagé dans l’armée, son ardeur au combat et sa capacité à entraîner les hommes lui permirent de monter en grade rapidement. Il fut nommé colonel alors que la révolution avait éclaté. La situation se compliqua encore à ce moment-là sur le front et, sans grande transition, Joseph Roth amène la troupe de Tarabas, marquée par la fatigue des combats, dans le bourg de Koropta, situé dans un état frontalier de la Russie et peuplé de paysans et d’une importante communauté juive. 

    Tarabas élit domicile dans l’auberge tenue par un Juif : Nathan Kristianpoller. Une relation se noue entre l’habile aubergiste, habitué à satisfaire les désirs de ses clients de passage chrétiens par de nombreuses tournées de schnaps ou de vodka, et le colonel qui, peu à peu, légèrement abruti par les délices de Koropta, perd la maîtrise de son commandement et délaisse ses hommes. Ainsi le roman d’action entamé par Joseph Roth vire insensiblement, du fait de la pause à Koropta, à la tragédie et au repentir.

    Il se produit un supposé miracle dans la chapelle de la localité, qui entraîne les hommes de Tarabas, emportés par le fanatisme et les effets de l’alcool, à déclencher un véritable pogrom à l’encontre de la population juive.

    Tarabas, qui n’a pas pris part au massacre, s’éveilla de sa torpeur et alla agresser ignominieusement un pauvre Juif à l’esprit affaibli, rescapé du massacre, commettant ainsi le crime prédit par la gitane de New York.

    Cet épisode est le véritable nœud du roman, qui infléchit complètement son action et, sous l’influence conjuguée d’un général humaniste, qui rend visite à Tarabas et prend soin de son avenir, et de l’aubergiste Kristianpoller, qui continue envers et contre tout de soutenir le colonel en dérive, permet au deuxième terme de la prédiction de la gitane de survenir, alors que Tarabas perd pied définitivement.

     

    Quoique menée de façon un peu abrupte, l’action de ce roman confirme la capacité de Joseph Roth à témoigner de l’atmosphère si particulière de l’est de l’Europe au début du XXème siècle et à circonscrire de grands événements historiques sur un fond familial et local par l’exemple d’une intrigue poignante et historiquement juste.

     

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