• Les choses – Georges Perec

    Au tournant des années soixante, la société de consommation entrait dans les mœurs. Chacun se sentait touché par l’attrait des nouveautés offertes par l’activité économique en développement. Les agences de publicité commençaient à prospérer sur la généralisation progressive de l’envie de confort et de modernisme. Pour des jeunes gens dont l’enfance s’était déroulée à l’époque du sang et des larmes, ou même des restrictions de l’immédiat après-guerre, la tentation était grande de s’ouvrir à la promesse des choses.

    Sylvie et Jérôme partageaient cette vision de l’existence naissante d’un nouveau luxe, accessible à un plus grand nombre d’individus. Vivant à l’étroit dans un logement exigu de trente cinq mètres carrés, ils rêvaient de luxe, de modernisme, de toutes les commodités que commençait à suggérer la société de consommation. Pour épouser leur temps, ils choisirent de travailler dans la publicité en devenant enquêteurs dans des agences nouvellement créées. Les revenus y étaient modestes mais l’espoir les faisait vivre. Ils convoitaient un grand appartement bien décoré, situé dans les beaux quartiers, le bonheur d’une vie enrichie par les voyages et les loisirs. Ils ressentaient tous les attraits de la société comme une chance qui leur était offerte et qu’il fallait savoir saisir. Tous ceux qui ont vécu à cette époque se souviennent de cette vaste aspiration au bien-être.

    Ils rêvaient aussi de terres inconnues, à explorer, et c’est ce qui les conduisit à accepter un poste d’enseignante à Sfax, en Tunisie, pour Sylvie.

    Seulement, même dans les pays qui sortaient à peine de la colonisation, la réalité n’était pas aussi enchanteresse que dans les rêves. Ainsi connurent-ils de nouvelles déconvenues.

    Au fil de leurs tentatives, le lecteur les voit verser dans la déception. Ils semblent très proches du jeune couple décrit dans le Planétarium de Nathalie Sarraute, tout en utilisant d’autres moyens, qui peuvent paraître plus courageux, pour parvenir à leurs fins.

    Le lecteur pourvu d’un peu de tendresse pour cette jeunesse pré-soixante-huitarde peut ressentir de la compassion pour leurs tentatives d’exaucer leurs rêves, vite avortées, mais sans les nourrir d’une trop forte amertume.

    Les Choses, en réalité, constitue une image très juste de ces années qui aboutirent au soulèvement général de la jeunesse, en France et ailleurs, et malgré l’échec final que le roman restitue, ce récit retient l’attention par la volonté d’avancer qu’il manifeste, et la capacité de rebondir de ses deux antihéros, le tout favorisé par la très belle écriture de Georges Perec.

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