• Les 7 roses de Tôkyô est un long roman fleuve qui rend compte de la fin de la Seconde Guerre Mondiale au Japon, avec les bombardements des avions anglo-américains, qui ont détruit une large part des agglomérations japonaises et, en particulier, de Tôkyô, n’épargnant pas les quartiers d’habitation.

    Le narrateur, Shinsuke Yamanaka, est un artisan, fabricant d’éventails à Tôkyô. Il note tous les événements qui le marquent, au jour le jour, dans son journal, à la fin de la guerre et jusqu’en avril 1946.

    Il se trouve ainsi amené à décrire la souffrance du peuple japonais, qui a subi notamment l’explosion des deux bombes atomiques à Hiroshima et Nagasaki. Engagé en réaction à ce qui relève des crimes de guerre, il milite pour que les chefs militaires des USA soient poursuivis devant les tribunaux internationaux. Lui-même est personnellement touché dans sa famille par la perte d’une de ses filles.

    Au lendemain de la défaite de son pays, il est effaré de voir un bon nombre de ses compatriotes courtiser les vainqueurs, les soldats américains, dont le général Mac Arthur, qui a pris directement le commandement du gouvernement du Japon.

    Il est clair que la tonalité générale du roman tranche avec les quelques pages d’histoire rapidement lues au lycée dans nos années de formation, où l’accent était mis sur les pilotes kamikazes japonais.

    Quoi qu’il en soit, les positions tranchées de Shinsuke Yamanaka le conduisent à plusieurs reprises en prison, du fait de ses contestations radicales et de son hostilité affichée aux nouvelles règles édictées.

    La grande affaire qui le mobilise en particulier est l’attaque en règle des Américains contre la langue japonaise dans sa longue tradition.

    Ce roman touffu pourra rappeler aux lecteurs un peu familiarisés avec les littératures asiatiques le long roman de Lao She Quatre générations sous un même toit, qui relate l’occupation de la Chine, en particulier à Pékin, par l’armée japonaise deux ans avant le début de la Seconde Guerre Mondiale jusqu’à la fin de la guerre.

    Le contexte et le cadre sont évidemment différents, mais il peut être intéressant de faire le rapprochement entre ces deux œuvres monumentales, créées en réponse à un conflit au cours duquel les deux pays se sont affrontés.

    Partager via Gmail

    votre commentaire
  • En ce début d’été, nous avons choisi de retourner à Berlin, pour la troisième fois. Arrivés à l’aéroport Berlin Tegel, nous avons d’abord pris le bus TXL vers une station du S-Bahn, d’où nous avons gagné un arrêt où une nouvelle correspondance vers un tramway nous attendait.

    Notre hôtel de la Prenzlauer Allee était bien situé et confortable. Après avoir posé nos bagages, nous sommes ressortis pour un rapide déjeuner à Knackstrasse. L’après-midi, nous avons rejoint le centre de la ville, à l’incontournable Alexanderplatz, toujours aussi fréquentée, et flâné dans les cours des Hackesche Höfe, un ensemble d’immeubles très soigneusement restaurés où résidaient de nombreux citoyens juifs. Notre promenade s’acheva sur les quais de la Spree, bordés de jardins ici et là, autour de l’Île aux musées.

    Le lendemain, par une journée très chaude, nous avons décidé d’aller en bus vers Wannsee, la banlieue résidentielle située au bord du lac du même nom, dans le prolongement de la Havel. En chemin, nous avons fait une courte incursion sur l’île de Lindwerder, de faible superficie, où un restaurant constitue le seul établissement public, mais, ce jour-là, la totale absence de consommateurs ne nous incita pas à y déjeuner.

    Nous avons donc repris le bac et un bus nous conduisit à Wannsee, où nous avons d’abord visité la superbe maison de Max Liebermann, un peintre qui fut l’ami de Van Gogh et en subit l’influence.

    Notre itinéraire touristique se poursuivit par la visite, beaucoup plus pathétique, de la villa où s’était déroulée en janvier 1942 la conférence, présidée par Reinhard Heydrich, l’un des plus proches collaborateurs de Hitler, destinée à organiser la « solution finale ». Les salles ouvertes à la visite ont une grande valeur didactique pour démontrer toute l’horreur de l’idéologie Nazie et le caractère abominable de la déportation et l’élimination de toute la population juive.

    Toujours à Wannsee, nous avons pris le bac vers l’Île aux Paons, la Pfaueninsel, île très verte où un petit château a été construit au XVIIème siècle, près de l’élevage des paons.

    Au centre de Berlin, nous avons encore visité quelques uns des très beaux musées, notamment l’Alte National Galerie, qui contient de nombreuses œuvres de Max Liebermann, de Caspar David Friedrich et d’Adolph Menzel, ainsi que de plusieurs peintres impressionnistes français. L’exposition de ces œuvres est très didactique, dans sa volonté de montrer la proximité relative qui unissait l’expressionnisme allemand et l’impressionnisme français.

    Autre musée à ne pas manquer, le musée historique – Historisches Museum – présente une intéressante rétrospective de l’histoire allemande au cours des siècles, et montre un film sans concessions sur le XXème siècle, exposant en détail les horreurs du nazisme.

    L’après-midi, dans le même musée, une conférence sur les différences de cultures entre la RFA et la RDA nous parut moins claire, du fait que la conférencière parlait très vite d’une voix fluette.

    Nous eûmes aussi un aperçu de la ville depuis la coupole du Berliner Dom, la grande cathédrale néo-classique du centre de Berlin.

    Berlin revisité

    Pour compléter notre connaissance de la vie juive à Berlin, nous sommes entrés dans la synagogue d’Oranienburgerstrasse, mais la visite fut assez décevante : seuls quelques objets épars sont exposés dans différentes salles, sans grandes explications. Il ne s’y trouve aucune grande salle de réunion ou de prière pourvue d’un mobilier adéquat. En revanche, la petite église Sainte Sophie, toute proche au milieu de son jardin, est un bâtiment accueillant.

    Toujours dans le même quartier, nous avons visité le petit musée Blindenwerkstatt in Haus Schwarzenberg, situé dans une cour dont les murs sont décorés de diverses peintures. Le musée rend hommage à Otto Weidt, un petit entrepreneur qui, pendant la Seconde Guerre Mondiale employa des ouvriers juifs à fabriquer des brosses et réussit à faire classer son entreprise comme stratégique par les autorités de l’Etat : il réussit ainsi à sauver de nombreuses personnes des chambres à gaz.

    Le lendemain, pour sacrifier à nos habitudes des précédents séjours à Berlin, nous sommes allés déjeuner à Savignyplatz, avant de nous adonner au shopping dans le Kurfûrstendamm.

    Pour la fin de notre séjour à Berlin, nous avons suivi une visite guidée du centre de Berlin par un jeune étudiant très dynamique qui nous fit partir de Pariserplatz, lieu stratégique adossé à la Porte de Brandebourg, bordée par l’Ambassade de France et la Légation des Etats-Unis, à deux pas de l’Ambassade de Russie, dans Unter den Linden. Il nous conduisit rapidement au mémorial de l’extermination des Juifs, situé à côté de Hannah Arendt Strasse, d’où nous avons vite gagné une place de l’ancien Berlin Est, où le régime avait construit des immeubles d’habitation de bonne qualité, toujours bien entretenus, qui entourent le point  où se situait l’entrée du bunker d’Hitler. Le tour se poursuivit vers la moderne Potsdamer Platz, près de laquelle se situe le Ministère des Finances, abrité par un immeuble construit par les Nazis.

    A deux pas, nous avons gagné Check Point Charlie, l’ancien lieu de passage entre Berlin-est et Berlin-ouest pendant la guerre froide, qui nous a semblé bien dénaturé depuis notre première visite en 1994.

    Le guide nous a aussi montré des vestiges du mur qui séparait les deux parties de Berlin, avant de nous ramener à Gendarmenmarkt, dans le centre historique, sans conteste l’une des plus belles places de la ville avec ses deux églises jumelles : l’église allemande et l’église française, construite au XVIIème siècle à l’usage des Huguenots français, émigrés après la Révocation de l’Edit de Nantes. Tout à côté, se situe également Bebelplatz, devant l’Université Humboldt, sur laquelle eurent lieu les premiers « autodafés » de livres, sous le IIIème Reich.

    Berlin revisité

    Au total, cette visite fut tout-à-fait passionnante, en raison des commentaires détaillés du guide, en allemand, que nous eûmes la satisfaction de comprendre correctement.

    Enfin, nous avons couronné notre séjour par la visite des salles d’apparat du château de Charlottenburg, que le roi de Prusse Frédéric II avait fait aménager par de grands artistes et décorer de tableaux des maîtres français qu’il appréciait.

    Ce bref sejour a conforté notre goût pour la capitale allemande, très accueillante et où les commerçants que l’on côtoie sont très aimables et professionnels.

     

    A lire aussi :

     

    Retour à Berlin

    Les eaux noires de la Spree

    Partager via Gmail

    2 commentaires
  • Bianca, jeune peintre aquarelliste, arrive dans la propriété de Brusuglio, en Lombardie, au début du XIXème siècle, à l’invitation du propriétaire, le poète don Titta.

    Sa mission est  de peindre toutes les fleurs du vaste jardin, si possible à chaque stade de leur évolution. Cette tâche apparaît titanesque, vue la multiplicité des variétés à collecter. Nous sommes au début du XIXème siècle, dans une société de riches propriétaires terriens, qui emploient un grand nombre d’ouvriers agricoles et de servantes dans leurs domaines.

    Immédiatement prise par sa tâche, Bianca observe les usages de la maison, les relations entre les maîtres et les nombreux serviteurs, et elle s’intéresse aux enfants et jeunes gens qui gravitent dans ce petit monde. Elle se lie rapidement d’amitié avec un professeur britannique, Stuart Aaron James Innes : celui-ci est devenu le précepteur des enfants du maître de maison.

    La progression du travail de Bianca est très lente, ce qui confère au roman un rythme étrangement stable. La peinture des fleurs s’accommode de l’avancement régulier des saisons, tout en laissant à l’artiste le loisir d’observer les mouvements des habitants de la propriété et, en particulier, de se lier avec une toute jeune servante dénommée Pia.

    Le statut de celle-ci dans la maison lui semble étonnant. Elle ne peut s’empêcher d’accumuler toutes les remarques qui lui viennent à l’esprit et de soupçonner un secret de famille enseveli au plus profond des consciences.

    Ainsi ce roman évolue-t-il innocemment de la botanique à une ébauche d’enquête de détective improvisée.

    Les ruptures se produisent autant dans la méthode de peinture des plantes que dans la recherche des faits cachés au plus profond des familles. Le lecteur est constamment tenu en haleine, au fil des événements cruels ou simplement tristes, et de la progression du catalogue des planches de fleurs. Il convient d’entrer dans ce roman selon son rythme, avec une sereine lenteur, et de se laisser porter par le flot des événements, dont les dénouements peuvent laisser au lecteur une forte odeur de pourriture.

    La personnalité attachante de Bianca confère à l’ensemble de l’ouvrage une tonalité très largement féminine, enrichie de toutes les facettes que cette héroïne malgré elle dévoile lentement au lecteur, en même temps qu’à ses interlocuteurs de cette sombre famille de poètes exploitants agricoles.

     

    Partager via Gmail

    votre commentaire
  • Nadja est un ouvrage plus ou moins inclassable, même parmi la production d’André Breton. Il revêt un aspect indéniablement autobiographique, même si la période de temps auquel il fait référence est très courte. Il débute par une sorte d’autoportrait sans concessions par lequel André Breton exprime ses préférences et ses rejets. Souvent désœuvré, promeneur impénitent dont les pas le ramènent régulièrement vers le boulevard Bonne Nouvelle, il se laisse volontiers séduire par la découverte d’objets inattendus ou de textes.

    C’est au cours de l’une de ces promenades, dans l’année 1926, qu’il rencontre une jeune femme : « très pauvrement vêtue,…elle va la tête haute, contrairement à tous les autres passants. » Il lui adresse la parole, elle lui fait part de « difficultés d’argent qu’elle éprouve. » Breton est fasciné par ses yeux.

    C’est ainsi qu’est née une relation qui ne dura que quelques jours. La jeune femme a choisi de se faire appeler Nadja, début du mot espérance en russe. Elle vit dans le dénuement. Elle insiste pour le revoir et s’efforce de le rencontrer chacun des jours qui suit, ce que Breton accepte aisément, tout en étant marié à cette époque.

    Ce qu’André Breton évoque dans son compte rendu de ces journées, c’est l’étrange état d’esprit de Nadja, apparemment un peu perturbée psychiquement, qui fait écho aux thèmes mis en avant par le groupe surréaliste durant la même période. Quant à Nadja, subjuguée par la personnalité et la conversation de Breton, elle cherche d’une certaine façon à se mettre sous son emprise et sa protection. Breton, en revanche, est conscient de ne pas aimer Nadja, mais elle l’attire et l’intéresse par son côté différent de la norme. Breton décèle bien en elle le dérèglement psychique, mais sa connaissance du quotidien des asiles d’aliénés, tel qu’il existait à l’époque, le dissuade d’engager sa « protégée » à recourir à leurs services.

    Au cours des derniers jours de leur relation, Nadja donne à André Breton des dessins qu’elle a faits, qui témoignent d’un talent certain et d’une imagination aiguë. Fidèle au principe du bannissement de la description cher aux surréalistes, Breton a inclus dans son ouvrage des photographies des dessins de Nadja, ainsi que de certains éléments de sa narration : bâtiments, statues ou autres œuvres.

    Ils partent aussi en excursion à Saint Germain, en prenant le train à la gare Saint Lazare. Au cours du trajet, Nadja semble frappée d’étranges illuminations.

    Livre né de circonstances imprévues, mélangeant différents thèmes dans une écriture très soignée, Nadja reste un ouvrage hors norme dont le charme tient à la relation de ces années éloignées et aux thèmes qui touchent à l’un des mouvements littéraires les plus marquants du siècle passé.

     

    Vous pouvez également être intéressé par :

    L'Amour fou - André Breton

    Partager via Gmail

    3 commentaires
  • Les Bandini sont une famille d’origine italienne, immigrée aux Etats-Unis, dans le Colorado. Le père, Svevo Bandini, est maçon. Honnête travailleur d’un caractère bouillant, il peine à gagner correctement sa vie et à fournir le nécessaire à son épouse Maria et à ses trois garçons. L’épicier de son quartier tient en permanence une « ardoise » de son compte, qui ne se solde jamais.

    L’ainé des fils, Arturo, est un adolescent difficile, qui cherche à dominer ses deux frères et, surtout, à séduire sa camarade de classe Rosa, sans grand succès.

    John Fante fait vivre toute cette famille, avec ses tensions, dans un style très vif, qui fait succéder les événements de façon quelque peu abrupte. La violence des caractères correspond bien au ton en vigueur dans la littérature américaine des années 1930.

    Il s’agit au total d’une analyse sensible de la vie des immigrés en Amérique à cette époque difficile.

    Partager via Gmail

    votre commentaire