• L’auteur raconte le quotidien de son séjour de six mois au bord du lac Baïkal, de février à juillet, dans des conditions atmosphériques extrêmes avec, en hiver, des températures comprises entre  -30 ° C et  -35° C.

    Supporter quotidiennement une telle température relève quasiment d’un pari. Il faut se soumettre au climat, à la solitude : le voisin le plus proche occupe une cabane en bois identique à celle de l’auteur, située à une quinzaine de kilomètres, et il n’y a évidemment aucun moyen de transport disponible, hormis la marche à pied ou le patinage sur le lac.

    L’auteur raconte dans le détail l’organisation de son séjour, les tâches quotidiennes à effectuer : bois à couper pour se chauffer, pêche pour se nourrir, lecture, méditation, exploration des environs dans cette nature hostile, avec pour uniques compagnons deux petits chiens.

    La nature est superbe : l’immense étendue du lac, gelé tout l’hiver, sur lequel patiner devient un exercice salutaire, la forêt tout autour, où se trouvent les ressources indispensables, bois et fruits au printemps, produits de la chasse à l’occasion...

    Les rencontres sont rares et généralement bien arrosées de vodka. Il est nécessaire de parler russe : les quelques voisins de passage n’ont ordinairement pas  appris les langues occidentales. Les nombreux livres emportés ont permis de meubler le temps et, éventuellement, de renforcer la détermination à poursuivre ce séjour, malgré les incidents et les moments de tristesse qui ont pu survenir. Une forme de sagesse est recherchée au cours de cette longue retraite : échapper temporairement à la société de consommation, éprouver sa capacité à supporter la solitude, lutter pour survivre, se protéger des quelques dangers provenant de la nature : éboulements, gel, intempéries, … sans tomber dans la dépression.

    Au total, il s’agît d’une expérience peu ordinaire, qui nous ramène à des récits plus anciens, que l’on se réfère à Jack London, dans le grand nord américain ou, dans une veine moins bucolique, au séjour de Dostoïevski dans « la maison des morts » ou de Evguénia Guinzbourg dans le goulag de la Kolima.

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  • Internée dans l’hôpital psychiatrique de Roscommon depuis des lustres, Roseanne Mc Nulty, âgée d’un siècle environ, se remémore les événements les plus marquants de sa longue vie, relayée par le psychiatre qui la suit, le docteur Grene. Roseanne note ses souvenirs et ses réflexions sur des feuilles volantes, qu’elle cache soigneusement sous les lattes du parquet de l’antique établissement hospitalier, tandis que le docteur Grene compile ses observations dans des carnets.

    L’alternance des notations des deux figures de cette étrange narration fait découvrir au lecteur une longue période de l’histoire de l’Irlande, parmi les plus troublées, à l’époque de la Première Guerre Mondiale et de la rébellion contre les autorités britanniques, par petites touches, selon les événements périphériques vécus par les deux protagonistes. Peu à peu, Roseanne expose les épisodes tantôt joyeux, tantôt tragiques de son existence, faisant ressentir sa gaieté de jeune fille et l’amour qu’elle porta à son fiancé, devenu son mari, puis la tristesse des combats de la guerre contre la puissance coloniale, accentuée par la guerre civile qui opposa les clans antagonistes des Irlandais entre eux, sans oublier les turpitudes que lui fit subir un prêtre aux motivations sadiques sous couvert de religion.

    Le docteur Grene a une approche plus mesurée, à la recherche de l’origine des causes de l’internement de sa plus ancienne patiente.

    Ce récit fait pénétrer le lecteur aussi bien dans les paysages de l’Irlande sauvage, de ses villes, en particulier Sligo, que dans l’intimité de certaines familles et dans les luttes meurtrières qui marquèrent cette dure période de la formation de la nation en quête de dignité et d’indépendance.

    Si progressivement le récit conduit le lecteur vers son terme apaisé, il demeure en son cœur un long cri de révolte et de désespoir, propre aux peuples qui ont connu le malheur de la colonisation, de la guerre civile et des massacres qui les accompagnent inévitablement.

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  • Ce roman, par l’entremise de son narrateur Valdemar, adolescent difficile, qui se querelle avec ses camarades de lycée et entretient une liaison avec l’une d’entre eux, nous fait pénétrer dans l’histoire de la longue dictature exercée par Salazar au Portugal.

    Valdemar écoute les histoires de son grand-père, venu habiter chez ses parents à Lisbonne, après avoir subi l’arbitraire de la PIDE, la police politique du régime, pendant la plus grande partie de sa vie. Le grand-père de Valdemar raconte son arrestation brutale à la veille de son mariage avec la belle Graça dos Penedo, son séjour dans diverses prisons sordides, la torture subie qui lui a fait perdre plusieurs doigts et laissé de multiples séquelles, ses évasions spectaculaires de pénitenciers construits sur des îlots balayés par le vent au milieu de l’océan.

    Valdemar adhère sans nuance aux discours de son grand-père et, emporté par ses convictions et sa fougue, se prépare à le venger, jusqu’à ce que son père lui fasse partager une appréciation plus équilibrée des torts et des responsabilités et tente de lui faire entendre que la vérité historique doit être recherchée au travers d’une confrontation des points de vue.

    A la jonction du roman de formation et du roman historique, Laissez parler les pierres, dans une langue très fluide, entrecoupée d’éléments du langage propre aux adolescents, interpelle le lecteur sur l’appréciation des événements dramatiques qui ont secoué les Etats européens au cours du XXème siècle et entame une réflexion sur la responsabilité historique et le processus de normalisation qui doit survenir après la chute des dictatures, une fois l’euphorie de la libération digérée.

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  • En septembre 1917, le jeune docteur Bomgard, tout récemment promu au titre de docteur en médecine, gagne le poste où il a été nommé, dans le bourg de Mourievo, qui se situe dans le district de Gratchevka, proche de Smolensk, sur une voiture à cheval. Il arriva fourbu et engourdi du fait de la longueur et de l’inconfort du voyage.

    A peine installé, il commença à s’inquiéter de l’activité qu’il allait devoir déployer, jugeant ses connaissances insuffisantes. Et effectivement, dès le début, il ne fut pas gâté : sa première patiente fut une toute jeune fille dont une jambe avait été broyée et qu’il devait amputer.

    Puis il y eut le cas d’une femme qui devait accoucher et dont le fœtus se présentait mal : il dut pratiquer une version, totalement improvisée, à partir de ses vagues souvenirs de cours.

    D’autres situations tout aussi difficiles se présentèrent encore à lui, et il eut la chance et le talent de s’en tirer favorablement à chaque fois.

    Boulgakov, lui-même médecin, décrit les opérations de son alter ego avec clarté, empathie et suffisamment d’humour pour ne pas trop effrayer ses lecteurs. Il faut préciser que le jeune médecin était complètement isolé et ne pouvait compter que sur le soutien de quelques infirmières et d’un « feldscher », une sorte d’assistant médecin.

    Un jour, le Docteur Bomgard dut traverser une effroyable tempête pour aller au secours d’un patient qui ne pouvait être déplacé.

    Fort heureusement pour lui, ses interventions, même les plus risquées, se terminèrent avec des résultats positifs, ce qui lui valut une grande renommée dans les environs.

    Après avoir quitté l’hôpital de Mourievo pour un poste plus important, il dut encore s’occuper de son successeur qui, frappé de dépression, se mit à absorber de la morphine. Boulgakov décrit avec une étonnante vivacité la progression de l’addiction chez le collègue de Bomgard, le jeune docteur Poliakov.

    Le grand mérite de cet ouvrage est la capacité développée par son auteur à rendre son récit exaltant en dépit de l’atmosphère lourde de la pauvreté, de la maladie, des risques constants des opérations chirurgicales et de la difficulté de la vie dans cette région au climat hostile. C’est le talent de l’écrivain qui hausse ces récits à une dimension presque fantastique.

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  • J’avais dix-huit ans. En prépa HEC au lycée, après l’interdiction de Hara Kiri, nous échangions Charlie Hebdo entre camarades. Nous le lisions pendant les interclasses, voire même en cours, à l’insu du professeur.

    J’appréciais particulièrement les articles de Cavanna et de Delfeil de Ton, ainsi que les dessins de Wolinski et de Reiser. Bien sûr, je conservais toujours un intérêt aux aventures du Grand Duduche, notre modèle à tous.

    A l’époque, la rédaction d’un journal aussi polémique ne risquait guère que l’interdiction de publication par un pouvoir politique arbitraire.

    Personne n’envisageait de se faire collectivement assassiner par des terroristes pour avoir outrepassé un quelconque interdit religieux ou moral.

    Les années suivantes, dans mes trajets en chemin de fer entre Paris et Reims, il m’arrivait encore souvent de lire Charlie Hebdo. Après l’entrée dans la vie professionnelle cette habitude est progressivement tombée en désuétude.

    Le drame actuel me pousse à revenir à mes anciennes inclinations : nous allons souscrire un abonnement. Je suis convaincu que des journalistes humoristes courageux vont reprendre le flambeau.

    C’est un pari contre la bêtise de l’intolérance et des comportements totalitaires.

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